La Mare aux Illusions : la fable qui fait mouche

La Mare aux Illusions : la fable qui fait mouche


Une tragédie animale moderne au fond de la mare

Imaginez une mare stagnante, encombrée de canettes rouillées et de vieux plastiques, quelque part entre le dépotoir et le théâtre antique. C’est le décor insolite de La Mare aux Illusions, présentée comme une « tragédie animale en cinq actes (avec clin d’œil au théâtre classique et au destin implacable) ».

Sur cette scène boueuse évolue un petit monde pas si bête : « une grenouille, une mouche, une araignée et un rapace [qui] croisent leurs destins et leurs réflexions dans une mare polluée, théâtre de nos propres absurdités… ». Le ton est donné : sous couvert d’une fantaisie animalière, ce conte pose un regard moqueur sur nos dilemmes bien humains.

La grenouille règne sur un nénuphar de fortune (un vieux sac plastique flottant) et rumine de grandes questions existentielles. Ses paupières mi-closes cachent une âme en pleine méditation… jusqu’à ce qu’une mouche effrontée vienne lui bourdonner aux tympans.

L’une réfléchit trop, l’autre pas du tout – la confrontation est inévitable. Très vite, les répliques fusent dans un style poético-comique digne d’une fable de La Fontaine sous acide. « Ô mouche, ta vie dure à peine trois jours. Tu cherches à manger; moi je cherche l’amour, le destin, l’absurde et ses détours » bougonne la grenouille rêveuse. En face, la mouche ricane et fonce tête baissée : « Tu compliques trop les choses… Le monde est simple : voler, manger, vivre fort... puis disparaître, légère, sans remords. » Une drôle de paire que ces deux-là, l’une ascète malgré elle, l’autre hédoniste assumée.

Leur mare est petite, mais leurs débats intérieurs sont grands – et surtout très animés.

Libre arbitre ou destin : qui mène la danse ?

Au fil des actes, la fable déploie un véritable ballet philosophique.

La grenouille voudrait se croire maître de ses choix, capable de résister à ses instincts – incarner le libre arbitre face à son appétit de batracien. La mouche, elle, vit au jour le jour, comme si tout était écrit d’avance ou sans importance, portée par ses désirs éphémères.

Entre ces deux extrêmes se glisse une observatrice inattendue : l’araignée tapie sur sa toile trouée, qui écoute sans mot dire. Cette sage cynique semble adepte du déterminisme pur et dur : pourquoi intervenir quand « tout est déjà joué d’avance », pense-t-elle en son for intérieur, fataliste? En effet, l’araignée incarne la posture de celui qui accepte le destin sans broncher – quitte à laisser filer de belles opportunités. Son silence en dit long, tandis qu’elle guette patiemment ce que la vie veut bien lui apporter dans ses filets…

Et la vie, justement, a plus d’un tour dans son sac plastique. Alors que grenouille et mouche s’opposent – réfléchir ou agir, méditer ou bondir ? – une péripétie brutale vient trancher leur duel. Exaspérée par les moqueries de la mouche, la grenouille finit par céder à son instinct. D’un coup de langue fulgurant, flip : elle gobe la mouche en pleine tirade, mettant fin au débat et à son déjeuner par la même occasion! Notre philosophe à peau verte, qui prônait l’ascèse, succombe soudain à la gourmandise. « J’étais à deux pensées près de l’éveil… et paf, j’ai mangé Bouddha avec des ailes. » confesse-t-elle plus tard, non sans humour noir. Ce trait d’esprit aussi cocasse que profond illustre la contradiction interne du personnage : la grenouille aspirait à l’illumination spirituelle, mais son estomac – ou le destin ? – en a décidé autrement, avalant au passage sa part de sagesse (la pauvre mouche comparée malicieusement à un Bouddha volant). Hédonisme vs ascèse, raison vs instinct : la bataille se joue en elle comme sur la mare.

Hédonisme vs ascèse : le duel de la grenouille et de la mouche

L’opposition entre la grenouille et la mouche met en scène un dilemme universel : faut-il vivre pour le plaisir immédiat ou se retenir en quête d’un plus grand sens ?

La mouche, avec sa vie éclair de trois jours, ne jure que par la fête permanente – carpe diem version insecte. La grenouille, lassée de trop penser, tente l’abnégation et la sagesse stoïque… jusqu’à ce que la tentation (bzz bzz) passe à sa portée.

Le récit use d’une ironie mordante pour souligner que ni l’excès de réflexion, ni l’insouciance totale ne mènent à la satisfaction. Trop réfléchir, on passe à côté de la vie; trop foncer, on finit dans la gueule du prédateur. D’ailleurs, notre mouche hédoniste apprendra à ses dépens que l’insouciance a un prix : aveuglée par ses jeux, elle n’a pas vu venir la langue de la grenouille ni la toile de l’araignée. Quant à la grenouille, son beau principe d’ascèse vole en éclats dès que son estomac gargouille – preuve qu’on ne chasse pas si facilement sa nature profonde.

La morale intermédiaire pourrait se formuler ainsi : « Chassez le naturel, il revient au galop », ou plus crûment pour notre héroïne : chassez la mouche, et elle vous revient dans l’estomac ! En clair, l’équilibre est difficile à tenir entre raison et passion, et les deux excès comportent leurs risques.

L’absurdité de l’existence en plein vol

Mais La Mare aux Illusions ne s’arrête pas à ce tête-à-tête piquant. Un quatrième larron plane dans cette tragi-comédie : le rapace, vieux faucon dégarni qui symbolise le coup du sort imprévisible.

Alors que la grenouille croit avoir tiré ses leçons et que l’araignée se voit déjà récolter les fruits de sa patience (la mouche engluée dans sa toile), surgit du ciel l’arbitre ultime du destin. En une fraction de seconde, hop : le rapace fond sur son dîner et emporte à la fois la grenouille trop indécise et la mouche à peine croquante. Rideau ! La nature – ou le destin facétieux – a rappelé tout le monde à l’ordre.

Cet événement brutal et incongru donne à la fable sa dimension absurde. On pense à l’ironie chère à Camus, ce sentiment que l’univers est « déraisonnablement silencieux » face à nos aspirations. Ici, tandis que nos petites bêtes philosophaient sur le sens de la vie, le grand cycle de la vie, lui, continuait son chemin indifférent.

Comme le résume malicieusement la grenouille en se faisant emporter : « Ironie suprême… Tant de pensées pour finir dans les airs, gobée par plus malin que moi… Ainsi va le destin. » Fatalité 1 – Philosophes 0.

L’araignée, seule survivante, secoue la tête en riant : « Les plus bavards s’en vont, les silencieux demeurent ! ». Ce dénouement grinçant nous renvoie à notre condition de mortels : libres ou pas, ascètes ou jouisseurs, nous restons à la merci des caprices du réel. Mieux vaut en rire que d’en pleurer, semble conclure cette fable pas si enfantine.

Humour noir et double lecture

Malgré sa dimension tragique (pauvre mouche…), le récit conserve un ton léger et moqueur de bout en bout. Reynald Marseille réussit un alliage savoureux entre la sagesse antique et la punchline moderne.

On croirait « Camus faire un clin d’œil à La Fontaine au détour d’un nénuphar ». Les dialogues en vers libres, pleins d’images poétiques et de sarcasmes, donnent une personnalité unique à chaque personnage.

Le texte joue sur les contrastes de registre : la grenouille s’exprime comme un vieux sage fatigué, la mouche en ado hyperactive, l’araignée en moraliste blasée… et le rapace, en bon deus ex machina, ne fait qu’une bouchée de toutes ces belles paroles. Chaque acte se conclut par deux morales : l’une pour les adultes, souvent ironique ou philosophiquement pointue (« Penser trop, c’est risquer la migraine et finir noyé dans sa propre mare… » par exemple), et l’autre pour les plus jeunes, formulée de façon simple et bienveillante (« Penser, c’est important, mais il ne faut pas oublier de vivre joyeusement chaque instant. »).

Ce double niveau de lecture permet d’apprécier La Mare aux Illusions à tout âge. Les enfants y verront une aventure amusante avec des animaux qui parlent, tandis que les adultes dégusteront la satire sociale et existentielle cachée sous la surface de l’eau. C’est un peu « une préparation de thèse déguisée en fable », mais servie avec une telle fantaisie qu’on en redemande.

Reynald Marseille, fabuliste des temps modernes

L’auteur, Reynald Marseille, signe ici un conte original et inclassable, mêlant la tradition des fables de notre enfance à des préoccupations très contemporaines.

Avec La Mare aux Illusions, ce nouvel fabuliste moderne nous invite autant à rire qu’à penser. Son écriture navigue habilement entre le registre enfantin et le second degré adulte, pour délivrer des réflexions philosophiques dans un emballage ludique. On sent chez lui l’héritage de La Fontaine, mais aussi l’influence d’écrivains comme Camus ou Sartre lorsqu’il questionne la liberté, le destin ou le sens de la vie. Reynald Marseille réussit le pari d’offrir plusieurs niveaux de lecture sans jamais perdre le lecteur : un exploit qui mérite d’être salué.

En refermant le livre, on se surprend à méditer le sort de cette pauvre grenouille (un peu notre alter ego) tout en souriant des bêtises de la mouche. La Mare aux Illusions est de ces fables qui chatouillent l’esprit et le cœur à la fois.

Alors, si vous aussi vous aimez les histoires qui font rire et réfléchir, n’hésitez plus : plongez dans cette mare pas comme les autres ! Et surtout, venez partager vos impressions et continuer la discussion avec nous sur notre communauté Facebook (★ Tribulations de Marie – Ebookya ★).

Nous vous y accueillerons avec grand plaisir pour débattre – amicalement moqués par la grenouille, la mouche, l’araignée et consorts, bien sûr. Bonne lecture et à très bientôt au bord de l’eau !

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